Nouvel article, seulement 2 mois après le dernier !! Pour couronner le tout, il s’agit ici d’une traduction/revue d’un article publié sur un autre site. D’où l’instauration d’une nouvelle rubrique dont le nom manque cruellement d’imagination.
L’idée est de partager des articles, la majeure partie du temps en anglais, tout en les rendant plus accessibles, que ce soit par une traduction en français ou une surcouche d’explications. Pour commencer, on va aborder un sujet que trouve passionnant et peu représenté : le pied préférentiel des joueurs. Un article qui nous vient du site de référence pour tout ce qui est statistiques appliquées au football, StatsBomb.
Il y a maintenant un an, Ted Knutson lançait le site dans une nouvelle ère en annonçant qu’ils se mettaient à récolter leurs propres données, profitant de l’occasion pour annoncer quelques nouveautés : positionnement du gardien, pressing, hauteur de passe, etc.
Mais également le pied utilisé pour chaque passe, ce qui nous intéresse aujourd’hui. On va donc s’attarder sur les résultats de l’observation de ce nouveau paramètre et de comment le pied préférentiel de passe se manifeste en Premier League.
Pied préférentiel
Le pied préférentiel est un paramètre historiquement pris en compte sur les tirs et pas les passes mais les volumes de tirs sont faibles et les indices sur le pied préférentiel d’un joueur peuvent alors être masqués par son style de jeu ou ses opportunités de tirs.
Par exemple, un défenseur central qui se retrouve avec le ballon dans les pieds dans la surface adverse va probablement utiliser n’importe quel pied pour tenter un tir. A l’inverse, tranquille dans sa propre moitié de terrain, il y a plus de chance qu’il fasse le choix conscient d’utiliser le pied avec lequel il est le plus confortable.
Comme c’est nouveau, commençons par quelques informations chiffrées :
- Il y a en moyenne 870 passes dans un match de Premier League (saison 2018-19).
- Sur ces passes, environ deux tiers sont effectués du pied droit.
- Environ trois quarts des joueurs sont prédominamment droitiers.
- Les joueurs droitiers réalisent environ 87% de leurs passes avec leur pied dominant contre 85% pour les gauchers.
- En moyenne, les passes du pied droit sont plus longues d’un mètre que les passes du pied gauche.
- Les passes du pied droit sont complétées environ 81% du temps contre 78,5% pour celles du pied gauche. Ce constat est le même peu importe le pied préférentiel du joueur.
- La différence de taux de complétion entre les passes du pied gauche (78,3%) et celles du pied droit (81,2%) pour les joueurs gauchers et légèrement plus importante que pour les droitiers (78,6% du pied gauche et 80,9% du pied droit).
- Ces tendances se maintiennent si on réduit la largeur du terrain à celle de la surface, ce qui permet de minimiser l’impact des latéraux et des ailiers le long de la ligne de touche.
Ce ne sont que des stats basiques, un travail de modélisation permettrait sans doute de repérer des variables confondantes mais ça reste intéressant à observer.
On peut apercevoir qu’il y a globalement moins de passes complétées du pied gauche, et ce, à tous les niveaux du terrain.
Toutes les équipes de Premier League, à l’exception des Wolves, complètent leur passes dans le tiers offensif avec un meilleur pourcentage de réussite du pied droit que du pied gauche.
Analyse par équipe
La plupart des équipes vont avoir au moins un gaucher, souvent leur latéral gauche, mais souvent plus. On peut observer deux situations opposées en Premier League en regardant les deux équipes ayant tentées le plus de passes : Chelsea et Manchester City.
Même en tenant compte des changements de position, une analyse sur la saison entière donne une bonne indication de la position des joueurs ainsi que de la structure des équipes.
Parmi les joueurs de Chelsea ayant joués au moins 10 matchs, seuls leurs deux latéraux gauches peuvent être considérés comme gauchers. Pedro est le seul attaquant approchant l’ambidextrie au niveau des passes : 27% du pied gauche et 73% du pied droit.
L’effectif de Manchester City est rempli à ras bord de gauchers avec Aymeric Laporte, le milieu-converti-latéral Fabian Delph (qui avec une répartition 35%:65% entre pied droit et pied gauche serait dans le top 3 du championnat niveau « ambidextrie » avec plus de temps de jeu), Benjamin Mendy et Oleksandr Zinchenko dans l’escouade défensive, David Silva et Phil Foden qui contrôlent le milieu et Riyad Mahrez et Bernardo Silva qui occupent généralement le côté droit de l’attaque, comme la plupart des joueurs offensifs gauchers maintenant. Même le gardien Ederson est gaucher.
L’exemple de Man City est extrême mais il est notable que 5 des 10 joueurs de champ payés à prix d’or depuis l’été 2016 soient gauchers, incluant le joueur que l’on a omit jusqu’ici : Leroy Sané. En tant que gaucher évoluant sur le côté gauche de l’attaque, Sané est unique en Premier League :
Il n’y a qu’un Leroy Sané, littéralement.
Ce graphique montre chaque gaucher (minimum 10 matchs) qui a une position moyenne de passes dans le tiers offensif, et le graphique pour la saison 2017-18 affiche la même tendance. Non seulement la position des passes de Sané est de l’autre côté du terrain par rapport à ses camarades gauchers mais elles sont, en moyenne, réalisées plus haut sur le terrain que n’importe quel autre joueur du championnat. Raheem Sterling a récupéré le poste d’ailier gauche titulaire récemment mais Sané reste une arme offensive différente et utile.
Joueurs ambidextres
Une des motivations derrière ces recherches était de trouver ce joueur insaisissable, le génie ambidextre pour qui chaque passe est une décision inconsciente, pour lequel l’équilibre entre les deux pieds est entièrement naturel. Il s’avère que cette vision idyllique est personnifiée par un seul joueur en Premier League, Harry Arter de Cardiff :
Crédit à @etmckinley pour le concept
On va utiliser différentes échelles avec ces graphiques donc faites attention mais on peut voir ici que, même si Arter ne réalise pas une tonne de passes (autour de 25 par 90 minutes), il y a une répartition équilibrée entre chaque pied. C’est aussi lui qui complète ses passes avec le meilleur taux de réussite (78%) à Cardiff. Aucun joueur du championnat ne s’approche de sa répartition 48%:52% entre pied gauche et pied droit et sa palette de passes vers l’avant, avec un pied ou l’autre, a été une qualité bienvenue alors que Cardiff s’est battu pour se maintenir en Premier League cette saison.
On peut voir à quel point cet équilibre est rare avec ce graphique des passeurs dans le jeu :
(Minimum 1000 minutes jouées)
Le point rouge solitaire est Arter et vous pouvez voir le reste des 20 joueurs les plus ambidextres numérotés et listés à côté du graphique. Il y a très peu de joueurs approchant l’équilibre entre leurs deux pieds, encore moins avec un volume de passes élevé et, pour ceux pour qui c’est le cas, il y a un penchant pour les joueurs évoluant dans l’axe du terrain ce qui est assez logique.
İlkay Gündoğan est le joueur avec le volume de passes le plus élevé dans ce top 20 et son profil tend quand même fortement vers son pied préférentiel qui est le droit. C’est cependant intéressant de penser aux joueurs selon ce critère. Même si un joueur utilise son mauvais pied peu fréquemment, ça reste un atout utile, ne serait-ce que pour éviter certains risques.
Le joueur avec l’utilisation la moins équilibrée de ses deux pieds cette saison est Shkodran Mustafi d’Arsenal :
Pas de répartition 48%:52% pour Mustafi, il tente littéralement 1 passe du pied gauche pour 48 du pied droit. Les caractéristiques de ses passes, souvent longues et vers l’avant ou vers sa gauche, donne une idée de son positionnement en phase de possession. L’utilisation par Arsenal d’un latéral droit offensif, et peut-être aussi une faiblesse de son jeu, font qu’il y a un nombre limité de directions vers lesquelles Mustafi envoie ses passes, et ce sera toujours du pied droit.
Si un adversaire souhaite presser Arsenal et veut bloquer les lignes de passes et empêcher les relances faciles, il y a ici des informations dont il peut se servir.
Conclusion
Nous avons juste gratté la surface des idées autour du pied préférentiel ici, mais j’espère que ça a donné un avant-goût de l’utilité de proposer cette information pour un fournisseur de données. Les applications sont multiples : modèle de passes, recrutement, analyse d’un adversaire, etc.
Je vous invite à aller voir l’article original qui contient quelques graphiques et exemples supplémentaires. Mais aussi de suivre James Yorke, l’auteur de l’article.
C’est également l’occasion de vous informer que StatsBomb a fourni des données gratuites pour le football féminin et la Coupe du Monde 2018 donc, si les idées exposées ici ont piqué votre intérêt, vous pouvez approfondir le sujet.