OPTA Pro Forum 2017 (6) – Optimiser les zones de tirs

Zone optimale à cibler.

En collaboration avec OMalytics, on a décidé de vous faire un tour d’horizon des différentes présentations de l’édition 2017 de l’OPTA Pro Forum, un ensemble de conférences réalisées par des analystes statistiques à l’aide de données fournies par OPTA.

Comment décider quand tirer ?

Cette présentation de Neil Charles (@neilcharles_uk) s’attaque à définir la frontière où tirer devient une meilleure option que la passe vers un coéquipier. Pour ça, il va combiner des modèles estimant la difficulté d’un tir et d’une passe.

Pour commencer sa conférence, l’auteur prend l’exemple de Ross Barkley lors d’Everton – Arsenal (13/12/2016) qui décide de frapper d’une position à priori désavantageuse : excentré et en-dehors de la surface. Une habitude chez le jeune anglais souvent pointée du doigt.

Mais comment chiffrer la meilleure option disponible à un joueur en position de tir ? Les Expected Goals sont un outil de diagnostique puissant mais limité tactiquement :

  • Utile pour mesurer la qualité d’une occasion
  • Il ne suffit pas de dire “tirez de plus près”, consigne trop vague
  • Comment définir quand on est assez près ?
  • Est-ce que cette zone optimale change ?

C’est là qu’intervient un modèle estimant la probabilité de réussite d’une passe.

Evaluer la difficulté d’une passe
Forêts d’arbres décisionnels

Pour définir à quelle distance du but on peut encore faire circuler la balle, Neil Charles a présenté le sien utilisant les forêts d’arbres décisionnels qui fait partie des techniques d’apprentissage automatique (“machine learning”).

Un ensemble de méthodes à la mode dont on en avait déjà parlé dans l’article sur la prise de décision des joueurs via l’utilisation d’un réseau neuronal.

Ici, l’estimation du pourcentage de réussite d’une passe dépend de :

  • Son origine
  • Sa destination
  • Sa distance
  • Sa distance vers l’avant
  • L’équipe (optionnel)

Le but est de répondre à la question : est-ce que je peux raisonnablement me rapprocher encore du but par une passe ?

La suite logique est évidemment de combiner ces deux modèles en assumant qu’une passe complétée est directement suivie d’un tir.

Combiner Expected Goals et Expected Passes

Il est donc temps de retourner sur l’exemple de Barkley et d’appliquer ces nouveaux éléments pour estimer quelles étaient les alternatives à la frappe pour le joueur d’Everton.

La probabilité de marquer depuis la position de Barkley n’est estimée qu’à 2% par le modèle, ça confirme l’impression visuelle : dur d’espérer marquer d’ici.

Les deux alternatives proposées par McCarthy et Valencia sont intéressantes car leur profil est très différent. Pour le premier nommé, la passe est relativement facile à réaliser (pourcentage de réussite estimé à 84%) mais la position de tir pas bien meilleure (5,3% de chance de marquer). A l’inverse, Valencia est difficile à atteindre (29%) mais l’occasion qui s’en suivrait serait de meilleure qualité (14%).

Au final, la probabilité que ces deux options se transforment restent proches et assez faibles : respectivement 4,5% et 4,0%. Il est probablement plus intéressant de continuer à faire circuler le ballon en attendant une meilleure option.

Avant de passer à la suite, Neil Charles a proposé un autre exemple avec West Brom et ce qui pourrait être le secret de la réussite de Tony Pulis. Le club anglais utilise pratiquement exclusivement les côtés pour atteindre la surface et la zone optimale vers laquelle passer correspond exactement aux zones de tirs de West Brom.

Une tactique loin d’être la plus agréable à l’oeil mais qui suit une certaine logique.

Influence de la qualité de passes

Le point suivant que l’auteur voulait étudier est : est-ce que la zone optimale à cibler change selon les qualités de passes de l’équipe ?

Pour ça, on reste sur la Premier League avec la plus mauvaise équipe au niveau du pourcentage de réussite des passes dans le tiers offensif (Sunderland) et la meilleure (Manchester City).

Et le résultat semble être que… rien ne change. Les meilleures équipes vont se créer plus d’occasions mais la zone optimale reste la même. Pour voir une différence, il faut manipuler le modèle et rendre une équipe vraiment horrible dans sa transmission du ballon.

A partir de quelle position tirer

Le dernier élément de cette conférence est probablement le cas d’application le plus immédiat : à partir de quand une équipe doit passer plutôt que tirer ?

Sur le graphique, la zone en rouge correspond à la partie du terrain où il est peu probable qu’une meilleure option de passe soit disponible. Il est donc plus logique de tirer. A gauche, il s’agit d’une équipe moyenne sur la qualité de passes (80% de réussite dans le tiers offensif) et, à droite, d’une équipe très faible (64% de réussite).

La conclusion peut donc être qu’il est généralement intéressant de tirer quand on se trouve dans l’axe de la surface et que cette zone peut être étendue à la limite extérieur de la surface (toujours dans l’axe) pour une équipe moins à l’aise techniquement.

Futures améliorations

Pour finir, voilà quelques pistes d’améliorations proposées par Neil Charles :

  • Différence entre construction lente et attaques rapides
  • Multiples passes avant un tir
  • Ajout des opportunités de passes au modèle (tracking data)
  • Prise en compte des hors-jeux

Notre avis

@Birdace : En-dehors de la qualité du contenu, voilà un bon exemple de ce qu’est une présentation réussie. On y retrouve un découplage clair (chaque modèle séparément puis la combinaison des deux), des exemples concrets (Barkley, West Brom, etc) sans oublier des visuels précis et agréables à l’oeil et on termine par les prochaines améliorations. Et pour ne rien gâcher, Neil Charles est un bon orateur.

Pour le reste, on retrouve certaines limitations entrevues sur la présentation de Martin Eastwood. D’ailleurs, certaines sont déjà sur la to-do-list de l’auteur comme prendre en compte plusieurs passes avant un tir.

C’est dommage mais on reste cantonné près de la surface adverse. L’ajout des données de tracking peut aider mais il y a trop de facteurs pour pouvoir chiffrer ce qui est bonne décision ou non plus tôt dans la construction d’une action.

@OMalytics : J’ai beaucoup aimé la présentation de Neil Charles, qui s’inscrit à mon sens dans la lignée de celle de Martin Eastwood, les tracking data en moins. La méthode présentée s’appuie sur les Expected Goals que tout le monde commence à connaître mais lui ajoute un supplément d’âme avec un modèle d’Expected Passes.

Ça donne une idée que je trouve simple à comprendre : à partir d’un point donné sur le terrain, où mettre le ballon si je veux maximiser mes chances de marquer, tout en tenant compte de la difficulté de la passe. Autre avantage de cette idée, elle est utilisable tous les jours sur le terrain d’entraînement et permet de travailler la prise de décision des joueurs.

Enfin, dernier point sympathique, l’utilisation d’une vidéo pour illustrer avec un cas réel la façon dont le modèle fonctionne. Rien de mieux selon moi pour faire toucher du doigt l’intérêt et la pertinence des statistiques appliquées au football.

La vidéo de la conférence de Neil Charles


Sur le même sujet

4th Down Study : pas du “soccer” mais un de mes articles statistiques préférés sur quand jouer un 4ème “down” au football américain.
Expected Passing, Premier League 2016-17 : graphique interactif du ratio d’Expected Passes des joueurs de Premier League.
Creeping Forward: Improving Shot Location : la distance moyenne des tirs par rapport au but se réduit chaque année.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.