En collaboration avec OMalytics, on a décidé de vous faire un tour d’horizon des différentes présentations de l’édition 2017 de l’OPTA Pro Forum, un ensemble de conférences réalisées par des analystes statistiques à l’aide de données fournies par OPTA.
Quel impact pour les entraîneurs sur le style de jeu de l’équipe ?
On parle de plus en plus de l’importance de l’entraîneur mais ça continue à être un parent pauvre de l’analyse statistique. Cette présentation de Bobby Gardiner et Joel Becker est donc la bienvenue avec pour objectif de quantifier l’impact de l’arrivée d’un nouvel entraîneur.
Définition des “macro-tactiques”
Les auteurs ont commencé par créer des statistiques stylistiques basiques pour décrire comment une équipe joue. Elles ont pour but de définir des “macro-tactiques” afin de juger des concepts tactiques plutôt que des actions individuelles dans les détails.
Largeur : La distance horizontale parcourue, par possession.
Verticalité : La distance verticale parcourue, par possession.
Durée : La durée d’une possession, en secondes.
Actions : Le nombre de passes, dribbles ou tirs, par possession.
La première étape a été d’établir s’il y a des différences stylistiques majeures entre les équipes de Bundesliga et Premier League. Les 5 dernières saisons de chacun de ces championnats ont été utilisées.
Sans surprise, comparer les distributions de ces statistiques avec un test de Student a confirmé des différences légères mais significatives.
Par exemple, les équipes allemandes ont tendance à concéder des possessions plus courtes. C’est en 2012/2013 que cette différence était la plus prononcée. Elle a ensuite diminué avec des clubs de Premier League de plus en plus adeptes du pressing.
Changement tactique combiné
La seconde étape était d’inclure les changements d’entraîneur et de découper les statistiques mesurées par demi-saison.
Afin d’analyser l’impact de l’entraîneur sur le changement tactique global, il a fallu trouver un moyen de mesurer le changement combiné dans toutes les statistiques. Pour chaque statistique, la valeur absolue du pourcentage de changement a été pondéré par la valeur absolue moyenne de ce pourcentage de changement dans son championnat. On additionne ensuite ces valeurs pour obtenir un “changement tactique combiné” pour chaque équipe.
Les auteurs ont trouvé que les équipes ayant subi un changement d’entraîneur affichent considérablement moins de ressemblances avec la période précédant ce changement que celles ayant conservé leur coach. En d’autres termes, les équipes ayant expérimenté un changement d’entraîneur ont aussi expérimenté un changement tactique. Qui l’eût cru ?
Un effet probablement sous-estimé puisque la moitié des changement d’entraîneur donnant lieu à une faible variation tactique se produisent en fin de demi-saison.
Cette conclusion peut sembler attendu et anticlimactique mais reste utile comme fondation de futurs recherches. Beaucoup de clubs affirment avoir une philosophie inculquée depuis leur centre de formation jusqu’à leur équipe première et trouver un entraîneur qui respecte leur style devrait être une priorité absolue.
Constance
Le graphique ci-dessous montre quelles équipes ont le moins changé entre leurs saisons 2011/12 et 2015/16. En moyenne, les équipes de Bundesliga sont plus constantes dans leur philosophie. Ce résultat est peut-être déterminé par la proportion plus importante d’équipes récemment reléguées ou promues en Premier League. Des équipes qui ont plus de chances de réapparaître avec de nombreux changements dans leurs joueurs ou leurs staffs.
Les résultats passent le test visuel : Swansea et Stoke ont subi des changements drastiques ces 5 dernières années alors que le Bayern et Tottenham ont implémenté un nouveau style de jeu sous Pep Guardiola et Mauricio Pochettino.
Des recherches plus approfondis pourraient examiner la relation entre la volatilité tactique et performances. La capacité à adapter son style tactique peut donner un avantage sur certains matchs mais changer trop souvent peut empêcher les joueurs d’atteindre le niveau maximal.
Impact du changement d’entraîneur
Un schéma clair apparaît quand on regarde quelles équipes ont le plus changé. Les arrivés de Roger Schmidt, Tony Pulis, Paul Lambert et Tim Sherwood ainsi que le départ d’Harry Redknapp sont 5 des 7 changements tactiques les plus nets. D’un autre côté, les tactiques les plus stables sont constamment associées à l’absence de changement d’entraîneur.
En Premier League, les données suggèrent que les équipes menacées par une relégation ont tendance à se tourner vers de nouveaux entraîneurs dans la seconde moitié de la saison. Ce qui change nettement la façon de jouer de l’équipe. Est-ce que ces changements drastiques ont tendance à améliorer les performances ?
Une autre méthode qui aurait pu être utilisé est de quantifier une variété de styles d’équipes et d’observer les différences dans leur valeur de similarité.
Certains pensent que la plupart des entraîneurs n’ont qu’un impact mineur sur les performances de leurs équipes. Mais les recherches de Bobby Gardiner et Joel Becker montre une relation entre changement d’entraîneur et changement tactique. Même s’il n’y pas toujours de corrélation entre le style de jeu et les résultats, il semblerait bizarre que les entraîneurs puisse avoir un impact sur l’un mais pas l’autre.
Qui change quoi ?
L’étape suivante c’est de regarder qui change quoi lors de la prise en main d’un nouveau club et de combien de degrés.
Bien sûr, un degré de changement peu élevé n’indique pas forcément à entraîneur à faible impact. Si une équipe avec un pressing agressif engage un nouveau coach qui privilégie également ce type de pressing, il apparaîtra comme ayant peu d’impact. Même si dans la plupart des équipes, son impact serait beaucoup plus important.
En cherchant des entraîneurs à fort impact, il y a donc moins de chances de tomber sur des faux positifs que des faux négatifs.
Les cas particuliers sautent aux yeux. On retrouve Roger Schmidt dans 8 catégories. Tim Sherwood apparaît 4 fois, Tony Pulis 3 fois et Thomas Tuchel 2 fois.
Si on regarde juste en-dessous de la limite, ces 3 managers (particulièrement Tuchel) dominent, tout comme Laudrup, Advocaat, Hughes, Lambert, Guardiola ou Pochettino.
Conclusion
Même avec quelques statistiques basiques, on peut facilement identifier quels entraîneurs ont eu un impact tangible sur la tactique de leur nouveau club. Quand on cherche un nouveau coach ou quand on veut se renseigner sur un nouveau venu dans le championnat, analyser les entraîneurs d’un point de vue stylistique a des avantages évidents.
Pour limiter les risques, par exemple. Trouver des entraîneurs qui conviennent à la philosophie de jeu du club réduira le nombre de nominations ratées. A l’inverse, si le manager hérite d’une équipe qui a l’habitude de jouer différemment de ce qu’il préfère, il devra probablement remplacer de nombreux joueurs.
Trop peu de choses sont faites pour quantifier les styles des équipes et rapprocher ça des principes tactiques afin que ça soit digeste pour les entraîneurs. Ça fait partie des quelques domaines d’analyse où des progrès faciles sont encore accessibles.
Notre avis
@Birdace : Je suis toujours friand d’analyse statistique appliquée aux entraîneurs, cette présentation me fait donc plaisir. On n’en sait bien trop peu sur leur réel impact et, surtout, comment faire le bon choix de coach. Vu le nombre de nominations catastrophes et les indemnités d’arrivée/départ toujours plus élevées, ça semble une nécessité.
Sur la méthode en soi, les auteurs en parlent mais je suis étonné que l’étude n’ait pas été faite sur un nombre de matchs avant/après l’arrivée d’un nouvel entraîneur plutôt qu’un découpage en demi-saison. Je serais par exemple intéressé par une estimation du nombre de matchs nécessaires pour que l’entraîneur inculque son style de jeu à sa nouvelle équipe.
@OMalytics : Encore un très bon segment de cet OptaPro Forum, qui se concentre sur les entraîneurs plutôt que les joueurs, c’est suffisamment rare pour être souligné.
Mais ce qui m’a plu avant tout, c’est que le sujet est abordé sous l’angle du style plutôt que de la performance, quand bien même certaines métriques sont probablement corrélées avec les résultats, notamment ce que l’auteur appelle “actions”. Peut-être aurait-on pu limiter cet effet en retranchant les tirs, pour se concentrer uniquement sur l’utilisation du ballon et la construction.
Mais c’est un travail d’analyse complet, un très bon produit fini, qui part de la définition de métriques pour arriver à l’identification des entraîneurs les plus disruptifs. On espère que nos clubs préférés s’en inspireront quand le temps sera venu.
Le poster de présentation de Bobby Gardiner et Joel Becker
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