Courses & Passes Progressives

Anthony Caci – Strasbourg

Après s’être s’intéressé au temps de possession des joueurs, la suite logique est de regarder ce que font ces joueurs quand ils ont le ballon dans les pieds. On va voir que les options sont peu nombreuses pour progresser sur le terrain.

 

Préambule

Je vous invite fortement à lire les deux articles précédents de cette série, sur la durée réel d’un match de football et le temps de possession des joueurs, pour avoir toutes les clés de compréhension.

Petit rappel tout de même, un match ne possède pas réellement 90 minutes de temps de jeu effectif mais plutôt entre 55 et 60 minutes. Une différence évidemment liée aux nombreux arrêts de jeu qui jalonnent un match de foot.

On peut donc décomposer un match sur 3 niveaux :

  • les séquences qui correspondent aux phases de jeu ininterrompues
  • les possessions qui sont un découpage de ces séquences selon l’équipe qui a le ballon
  • les possessions des joueurs, je pense que le nom parle de lui-même

Ce qui nous permet de calculer le nombre et la durée des possessions des joueurs mais aussi la distance parcourue, en se servant des coordonnées de départ et d’arrivé. En effet, si on sait où commence (passe reçue, ballon récupéré, etc) la possession d’un joueur et où elle se termine (passe tentée, tir, etc), on a une bonne idée de la distance parcourue.

Même si ça ne vaut pas des données de tracking, c’est compensé par le fait qu’on veut répondre à une question simple : est-ce que le joueur a réussi à avancer vers le but ? Le chemin précis, qui peut être plus ou moins direct, ne nous intéresse pas.

C’est le bon moment pour rappeler un concept d’une évidence folle mais primordial ici. Il n’existe que 2 façons de faire progresser la balle sur le terrain : la course et la passe.

 

Courses & Passes Progressives

Il est donc logique de calculer ce qu’apportent les joueurs dans le jeu offensif de leur équipe. Pour ça, on va s’intéresser ici uniquement aux courses et aux passes qui permettent de progresser vers le but adverse.

Je définis une course comme progressive lorsque la distance entre le ballon et le but adverse est plus courte à la fin de la possession qu’au début de celle-ci. Pour une passe c’est similaire sauf que j’exclus les passes ratées ainsi que celles dont la distance est inférieure à 8m. Dans les deux cas, je m’intéresse uniquement aux actions hors coup de pied arrêtés.

Le total des courses et passes progressives donne un nombre d’actions progressives. On obtient donc pour chaque joueur :

  • le nombre de courses / passes / actions progressives par 90 minutes
  • la distance obtenue par des courses / passes / actions progressives par 90 minutes
  • le pourcentage de courses / passes qui sont progressives
  • le pourcentage d’actions progressives qui viennent de courses / passes

 

Par joueur

Je sais je sais, tout le monde se demande kicélemeilleur. C’est plus compliqué que ça mais commençons par afficher les données brutes.

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On a donc 11 défenseurs centraux, 6 milieux centraux et 3 défenseurs latéraux. Loin d’être un problème, il est parfaitement logique que les défenseurs et milieux soient les principaux concernés. Ils ont à la fois les temps de possessions les plus longs par match et le plus d’options de passes/courses devant eux. A l’inverse, difficile pour un attaquant recevant le ballon dos au jeu de progresser vers l’avant.

Par contre, ça met en avant la nécessité de traiter chaque poste séparément pour comparer ce qui est comparable. Let’s go !

 

Selon le poste

Je vais vous laisser décortiquer ce tableau en détails mais on peut déjà picorer quelques informations intéressantes :

  • Plus le joueur évolue haut sur le terrain plus il lui est difficile de progresser vers l’avant ;
  • C’est surtout vrai pour les passes, moins pour les courses ;
  • Le poste d’attaquant est vraiment à part ;
  • La course est un moyen de progression privilégié uniquement pour les ailiers/attaquants ;
  • Les milieux offensifs sont les seuls à l’équilibre entre courses et passes

On peut maintenant regarder ce que donnerait le ratio entre une valeur individuelle et la moyenne du poste pour avoir une vraie contextualisation. Voilà ce que ça donnerait pour le top 20 des milieux centraux sur la saison en cours :

On voit, par exemple, que Leandro Paredes tourne à 1,71 fois la distance moyenne sur les courses progressives et à 2,47 fois sur les passes. Ça fait apparaître d’importantes différences stylistiques entre M. Lopez & R. Sanches très performants sur les courses (mais moins sur les passes) et Fabregas qui privilégie nettement les passes aux courses.

Voilà le top 10 sur les actions progressives P90 pour la saison en cours (sous forme de ratio pour chaque poste) :

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La moyenne est un peu faussée pour les milieux offensifs étant donné le peu de joueurs évoluant à ce poste mais on voit également que peu de joueurs sont performants cette saison en-dehors de Yacine Adli.

Tout postes confondus, les joueurs qui sortent du lot sont donc Thiago Silva, Abdou Diallo, Anthony Caci, Leandro Paredes, Marco Verratti, Nemanja Radonjic, Memphis Depay et Romain Del Castillo. Un bon mix d’évidences et de surprises. Même si on peut mettre en évidence le relatif temps de jeu de certains de ces joueurs, la plupart étaient déjà en haut de classement la saison dernière.

Reste Nemanja Radonjic qui est sur un rythme bien supérieur, que ce soit sur la course ou la passe. A surveiller sur les prochaines semaines, donc.

 

Conclusion

Il reste à explorer d’autres possibilités offertes par les statistiques qui mesurent la progression sur le terrain mais je pense que leur intérêt est déjà évident ici. C’est le cas parce que la passe n’est à l’origine “que” de 61% des actions progressives. Prendre en compte les courses balle au pied (et pas seulement les dribbles) est donc nécessaire.

Ça permet également de mettre en avant des postes/joueurs primordiaux dans le jeu offensif de leur équipe sans que leurs noms apparaissent pour autant dans les colonnes statistiques habituelles. Notamment parce que leur apport est moins visible à l’œil nu.

Ça donne aussi une idée sur le style d’un joueur, information utile pour un recrutement. Ou met en avant le joueur à surveiller dans l’équipe adverse. Bref, on remplit petit à petit notre boite à outils statistique.

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