Ça faisait longtemps que je voulais écrire une série d’articles visant à rendre plus accessible certains termes fréquemment utilisés dans les articles mêlant statistiques et football et qui ne sont pas systématiquement expliqués ou francisés. L’objectif est de créer une porte d’entrée pour les personnes souhaitant s’intéresser à ce vaste sujet.
Après avoir dressé un bilan collectif de l’équipe de Patrick Vieira, on continue aujourd’hui en se penchant sur les individualités qui le composent. Avant de se demander à quoi va pouvoir ressembler l’effectif de la saison 2020/2021.
Quand Ice Cold met le feu
Élu Aiglon de la saison dès sa première année sous la tunique rouge et noire, Kasper Dolberg a fait la pluie et le beau temps sur le front de l’attaque niçoise. Surtout le beau temps, d’ailleurs.
A seulement 22 ans, et pour sa première saison en France, il a déjà inscrit 11 buts. 5 du pied droit, 5 du pied gauche et 1 de la tête. Un bon total qui le place au huitième rang du championnat mais encore meilleur lorsque l’on se met à le contextualiser.
Déjà en prenant en compte son temps de jeu. Avec seulement 21,4 P90, il est donc celui qui a le moins joué parmi les joueurs à 10 buts (hors PSG). Un ratio de 0,51 buts P90, soit le même que Neymar. Toujours au ratio sur 90 minutes, il est 8ème en termes de buts mais tombe à la 13ème place pour ce qui concerne les xG. Cela s’explique par un nombre relativement faible de tentatives. Avec 1,96 tirs P90, il retombe à la 49ème place, bien loin des artilleurs les plus prolifiques.
Peu de tirs mais choisis et précis en revanche : avec 59,5% de tirs cadrés, aucun avant-centre ne fait mieux en championnat, ce qui explique son niveau de finition élevé. En conséquence, il obtient un ratio xG/tir de 0,20, au même niveau que Kylian Mbappé et Wissam Ben Yedder.
Si l’on devait le comparer avec le meilleur buteur du championnat, il est sûr qu’il marque moins fréquemment. Mais, en terme de but/tir, il le surpasse largement. On les retrouve bien sûr tous les deux dans l’élite du championnat à ce niveau mais le Niçois n’a besoin, en moyenne, que de 3,82 tirs pour en mettre un au fond tandis qu’il en faut environ 4,88 au « génie français ».
Un axe de progression pour la saison prochaine pour Vieira sera assurément d’assurer à son attaquant le plus de situations possibles afin qu’il puisse aller titiller le podium du classement des buteurs. Car il faut avouer en regardant les Aiglons jouer que plusieurs des joueurs censés le soutenir privilégiaient la solution solitaire plutôt que de servir leur attaquant. Mais la comparaison avec Mbappé n’a pas vraiment de sens, Dolberg, tout comme son club, ne prétend pas faire partie des meilleurs du championnat.
L’Aiglon a plutôt fait office d’intermédiaire entre les attaquants « niveau Europa League », si l’on peut les appeler ainsi et le podium des buteurs. Parmi les quatre attaquants sélectionnés ci-dessous, on note déjà un ratio de buts P90 supérieur, le tout avec un temps de jeu bien inférieur, puisqu’il n’avait pas joué au cours du mois d’août et, on le rappelle, sans tirer aucun penalty.
Par rapport à Benedetto, les deux attaquants ayant pour points communs de faire partie de clubs du sud visant le haut du championnat et d’avoir un prix de transfert qui a placé de hautes attentes sur eux, on voit que les xG P90 sont similaires mais la finition est supérieure du côté de la Côte d’Azur. Au niveau du volume de tirs également il fait bande à part, puisqu’il est le seul des cinq à se situer en-dessous de la moyenne du poste.
Dans les xGChainTotal des xG de chaque possession dans lesquelles le joueur est impliqué, il prouve sa supériorité grâce à une plus grande participation dans les passes clés sur lesquelles nous reviendrons dans peu de temps. On le voit souvent décrocher dans les actions pour revenir participer au cœur du jeu. Cela peut être une explication à son faible nombre de tirs mais cela lui permet aussi de participer à la construction des actions et on peut le retrouver plutôt haut avec un xGBuildUp90Total des xG de chaque possession dans lesquelles le joueur est impliqué, sans les passes clés et les tirs de 0,11.
Et cela, par exemple, se ressent dans la comparaison avec Osimhen. Du même âge et découvrant la Ligue 1 dans des équipes offensives, certains pourraient préférer le Nigérian car il tire plus et marque plus mais le Danois a la corde en plus à son arc de participer au collectif.
Un collectif dans lequel il a semblé indispensable lorsque celui-ci voulait marquer hors des coups de pied arrêtés. Kasper Dolberg est logiquement leader de la plupart des domaines mais pas des tirs. Ses coéquipiers Pierre Lees-Melou (2,09) et Alexis Claude-Maurice (2,07), tirent plus par 90 minutes mais ne comptent respectivement que 5 et 1 buts. Le premier est spécialiste des tirs de loin, le second a connu de grandes difficultés à s’adapter à la Ligue 1 et a sousperformé sans arrêt.
Mais le danois n’est pas qu’un simple finisseur. Avec 3 passes décisives, il est le troisième meilleur passeur de l’équipe. S’il semble faire pâle figure avec 0,56 passes clés P90, c’est parce qu’une nouvelle fois il privilégie la qualité à la quantité. Ses passes clés (PC) aboutissent en moyenne à un tir avec un xG de 0,196, personne ne fait mieux dans l’équipe.
La comparaison avec Claude-Maurice est dans ce sens intéressante car ce dernier est censé être un ailier qui construit et donc servir Dolberg. C’est ce qu’il fait en partie puisqu’il donne deux fois plus de PC, mais il est loin derrière avec 0,073 xA/PC, ce qui réduit ses chances d’être décisif.
En choisissant avant tout la qualité, autant dans les tirs que dans ses passes, dès qu’il n’est pas en bonne position, il est logique de voir Kasper Dolberg très en avance sur ses coéquipiers autant dans la Contribution des xGoals (0,50 P90) que dans sa Contribution aux buts (0,65 P90).
Enfin, on connait de l’attaquant son excellent sens du placement, visible tout au long de la saison notamment lors d’un doublé à domicile face à Lyon. Si l’on devait le quantifier, on peut prendre en compte les hors-jeux et, avec seulement 0,3 HJ P90, il fait partie du haut du panier. C’est, par exemple, mieux que son coéquipier Youcef Atal.
Quelle équipe l’an prochain ?
Avec un budget de 80 millions d’euros, une position de force dans le mercato, une cellule de recrutement qui travaille depuis près d’un an et le départ de plusieurs cadres, on peut donc s’attendre à des bouleversements au sein de l’effectif niçois.
La colonne vertébrale de l’équipe est déjà claire.
Aux cages, Walter Benitez reste le titulaire indiscutable. On sait que ses remplaçants vont changer mais sa récente prolongation de contrat va lui assurer de garder les buts encore quelques temps.
Devant lui, le capitaine Dante ne devrait pas prendre sa retraite pour l’heure. A 37 ans, il est utile tout autant au niveau mental que dans la construction des actions. Le Brésilien est aussi un gage d’expérience, dont les dirigeants ont noté que l’effectif manquait.
Au milieu de terrain, Pierre Lees-Melou sera une fois de plus le premier nom marqué sur la feuille de match par Vieira. Le président Rivère avait souvent repris le champ lexical du « wagon », et l’ancien dijonnais a accéléré au meilleur moment possible pour prendre le train en marche (5 buts, 6 passes décisives).
Un cran plus haut, Alexis Claude-Maurice. Même s’il a été décevant et est loin de justifier le prix de son transfert, il a la pleine confiance de l’entraîneur et a toutes les cases cochées pour être la figure de proue du projet niçois dans les années à venir, qu’il s’installe sur l’aile gauche comme prévu, au poste de relayeur ou en meneur de jeu.
En pointe, Kasper Dolberg, pour toutes les raison citées ci-dessus, a un potentiel d’attaquant star indéniable même si un remplaçant serait un plus en cas de pépin.
Qui pour les accompagner donc ?
Youcef Atal est censé être le numéro 1 pour le poste de latéral droit. Mais, entre ses blessures à répétition et l’entraîneur qui adore le faire jouer en tant qu’ailier, ceci est à remettre en question. Patrick Burner est son remplaçant mais il n’a toujours pas montré qu’il était susceptible d’avoir le niveau, ni le potentiel, à 25 ans, d’être titulaire toute une saison en Ligue 1. Une recrue est donc possible ici.
La défense est clairement le secteur à renforcer en priorité et cela sera surtout le cas en défense centrale avec les départs de Malang Sarr et, peut-être, de Christophe Hérelle. Les recruteurs n’ont pas perdu de temps et Robson Bambu, un jeune (22 ans) défenseur central brésilien jouant axe droit, a déjà signé. Un jeune prospect, qui pourra s’intégrer avec son compatriote de la charnière, obtenu après une bataille contre Lille et Lyon, ce qui sonne bien sur le papier.
Deuxième recrue du secteur, l’Autrichien Flavius Daniliuc, passé par les centres de formation du Real Madrid et du Bayern Munich, mais qui n’a encore jamais joué en pro.
De quoi mettre en difficulté Stanley N’Soki. Lui aussi jeune (21 ans) et arrivé du PSG l’an dernier, il prit sa place pour acquise et n’aurait pas fourni le travail nécessaire pour s’assurer d’être titulaire. Le club vient donc naturellement lui apporter de la concurrence.
De même pour son poste secondaire, celui de latéral gauche. Si le joueur de l’Olympiakos, Kostas Tsimikas, a longtemps tenu la corde, c’est finalement Hassane Kamara de Reims, meilleur latéral gauche de la saison d’après l’Equipe, qui a signé pour 4 millions d’euros. Bon coup en perspective dans un couloir gauche faible depuis 3 ans. Bien fourni dans l’axe, le Gym pourrait alors envisager une défense à 3 pour compenser ses latéraux offensifs, avec N’Soki axe gauche.
Au milieu de terrain, Adrien Tameze devrait sauf surprise rejoindre l’Atalanta Bergame. Wylan Cyprien est aussi en partance, mais pas à n’importe quel prix, ce qui laisse sa situation en suspens. Arrivé à la fin d’un cycle, il n’a jamais su retrouver son niveau de 2016 avant sa grave blessure et laisse un goût d’inachevé.
Pour jouer en 6, on a longtemps cru que Baptiste Santamaria serait l’élu mais finalement c’est Morgan Schneiderlin (30 ans) qui arrive d’Everton. L’international français devient donc le second trentenaire de l’effectif et son expérience et son talent pourraient vite l’amener à devenir un pilier indispensable à l’équipe.
Derrière lui, le Brésilien Danilo a du mal à trouver sa place. Arrivé en 2018, il a été bon lors de son repositionnement en défense en début d’année. Très peu de mauvaises choses dans l’ensemble mais rien d’exceptionnel. S’il part remplaçant, il ne fait pas tâche.
Dernier prétendant au poste, Khephren Thuram, n’a pas encore le talent, l’expérience et l’exigence du haut niveau et pourrait envisager un prêt.
Un cran plus haut, le cas Hicham Boudaoui. A l’heure actuelle, rien ne justifie de le sortir du onze titulaire et l’algérien du Paradou AC a prouvé qu’il avait déjà le niveau de la Ligue 1 à 19 ans de par ses qualités de percussion et balle au pied. Mais son poste de prédilection est celui de relayeur et il a joué au cours de la saison milieu droit, deux positions où des recrues devraient arriver. Arrivera-t-il à s’installer en relayeur malgré la concurrence déjà présente ? A dépasser les futures recrues ? Prendra-t-il place à droite ? Le poste existera-t-il encore lors de la prochaine saison ? Difficile de savoir à l’heure actuelle.
Dans la ligne d’attaque, le poste sur l’aile gauche est sujet à doute car, si Claude-Maurice devrait l’occuper, il est bien possible que ce dernier se recentre dans l’axe et laisse le couloir libre. Il est certain que, dans l’effectif actuel, ce n’est pas Myziane Maolida qui va prendre la place ni un joueur revenant de prêt. Ignatius Ganago a montré des choses intéressantes mais a choisi de quitter le club par un transfert sec chez le promu lensois, laissant Nice sans remplaçant offensif.
Vient alors le poste d’ailier droit, libre puisque l’option d’achat d’Adam Ounas n’est pas levée pour des raisons pas uniquement sportives et un prix trop élevé (15M€). Qui pour prendre la place ? Ce devrait probablement être un ailier gaucher en pied inversé, ce serait dans la logique de l’équipe jusqu’ici, mais aucun nom n’a fuité.
En revanche, celui qui correspondrait idéalement, c’est Malcom. Gaucher adroit à droite, dribbleur comme le veut son entraîneur, capable autant d’assurer les caviars à son avant-centre que de faire figure de buteur secondaire. En difficulté au Zenit avec les supporters, rejeté à Barcelone, il connait déjà le championnat de France et pourrait se relancer parfaitement sur la Côte d’Azur.
Pour le club, le prêt serait mieux mais un transfert sec, même à plusieurs dizaines de millions d’euros, pourrait être un investissement très rentable. S’il revient à son vrai niveau, le jeune Brésilien (23 ans) représenterait une plus-value conséquente à la revente. En tout cas, le poste d’ailier droit sera clé pour faire passer l’équipe à un palier supérieur.
Enfin, pour la pointe, l’arrivée d’Amine Gouiri, dont les Lyonnais disent le plus grand bien, a déjà été acté et le Gone a montré de belles choses lors des amicaux de préparation. Mais, s’il ne peut pas se décaler sur l’aile droite, il restera cantonné à un rôle de doublure avec cependant une progression dans un environnement serein.
Régler les problèmes défensifs et consolider son attaque, la moitié de la saison des Aiglons se jouera cet été au mercato. Pour aller chercher, pourquoi pas dans ce championnat à la fois faible et surprenant, un podium. Une place que n’attendent que les Niçois.
Article écrit par Antoine Sabatier (@AntSabatier)
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Une réflexion sur “Previews Ligue 1 : Nice, partie 2”