Dans cette série d’articles previews sur la saison 2020/2021 de Ligue 1, il est l’heure de s’attaquer au Paris Saint-Germain.
Pour l’An 2 de Thomas Tuchel à la tête de l’équipe, le PSG a tranquillement remporté le neuvième titre de champion de France de son histoire, en étant leader à partir de la 4ème journée. On peut même dire qu’il a régné sans rival sur la scène nationale en atteignant les finales des deux coupes nationales (à disputer fin juillet) et en s’emparant également du Trophée des Champions.
Au niveau européen, les joueurs de la capitale ont enfin repassé les huitièmes de finale de la Champions League (après 3 échecs consécutifs) et s’apprêtent à disputer, en août, un Final 8 plein de promesses. Globalement, au niveau des résultats, le PSG a donc maîtrisé son sujet sur la saison écoulée.
Pourtant, tout ne fut pas parfait dans le jeu parisien, loin de là. On est même souvent resté sur notre faim quant à la qualité de jeu proposée. Nous allons donc tenter dans cet article de mettre en évidence, à l’aide des données disponibles, trois lacunes du PSG de 2019-2020 qui constituent autant de marges de progression possibles : un jeu collectif parfois balbutiant, un jeu long quasi inexistant et un manque de réalisme offensif.
Un jeu collectif pas complètement abouti
Le PSG, on l’a dit, a dominé de la tête et des épaules la saison de Ligue 1. Pourtant, rarement le jeu parisien n’aura donné le sentiment d’être réellement abouti. A part le match aller face à Madrid en coupe d’Europe, on peine même à mettre en avant des rencontres où l’équipe (et non ses individualités) a brillé. Les partitions collectives maîtrisées ont souvent laissé place à des numéros de solistes, parfois de duettistes. Ça a pu suffire pour faire se lever le Parc mais pour le « beau jeu », on n’a pas eu grand-chose à se mettre sous la dent.
D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si le PSG est, et de loin, l’équipe d’Europe qui tente le plus de dribbles (24.9/match). Faute de jeu collectif parfaitement huilé, la solution individuelle a souvent permis au PSG de s’en sortir.
Nous allons chercher dans la première partie de cet article à essayer d’expliquer, dans la mesure du possible, pourquoi le jeu collectif parisien nous semble globalement resté à l’état de projet cette saison encore.
1ère explication : pas d’automatismes à cause d’un turnover incessant
La première explication possible est l’accumulation de blessés et l’important turnover pratiqué par Thomas Tuchel qui n’ont pas permis de véritablement créer d’automatismes.
Di Maria est un homme de fer. Parmi les joueurs du PSG titularisés au moins cinq fois en championnat la saison passée, il est le seul à n’avoir manqué aucun match sur blessure. Tous les autres ont raté au moins une rencontre, la palme revenant à Thilo Kehrer, absent de la 2ème à la 17ème journée suite à sa blessure survenue dès le match d’ouverture. En moyenne, un joueur parisien a manqué 6 matches (sur 27, soit près d’un quart) pour blessure, rien qu’en Ligue 1.
Un cas emblématique de la poisse, appelons ça comme ça, qui colle au PSG est celui d’Idrissa Gueye : le Sénégalais n’avait connu, lors des quatre saisons passées en Angleterre, qu’une seule blessure qui ne l’avait tenu éloigné des terrains que trois semaines. Revenu en France, le milieu de terrain a connu trois blessures qui lui ont fait manquer 42 jours de compétition et 5 matches de Ligue 1.
Conséquence de ces blessures, le staff parisien n’a cessé de modifier son onze de départ.
Avec quatre changements dans le onze de départ en moyenne d’un match de championnat à l’autre, le PSG est l’équipe qui a pratiqué le plus gros turnover la saison écoulée. La moyenne des équipes de Ligue 1 est presque deux fois moindre (2.7). L’accumulation des matches et la richesse de l’effectif sont bien sûr des explications mais les blessures et la volonté du staff de faire tourner sont également en cause.
Seulement deux fois la même composition de départ en Ligue 1
En 35 matches de Ligue 1 et Champions League, le PSG a ainsi aligné 31 joueurs différents (c’est le plus haut total de Ligue 1) pour 33 compositions d’équipes différentes ! Cela signifie deux compositions identiques seulement en Champions League (face à Galatasaray et face à Madrid) et deux également en Ligue 1 : les 15 et 21 décembre à St Etienne puis face à Amiens, entrecoupée d’un match de Coupe de la Ligue au Mans. Compliqué de soigner les automatismes dans ces conditions.
L’analyse par ligne (sur les 35 matches de Ligue 1 et Ligue des Champions) est également révélatrice :
- en défense, le PSG a utilisé 4 gardiens, 6 arrières droits, 4 arrières gauches et 11 charnières centrales,
- au milieu, on enregistre 9 trios (dans le 4-3-3) et 8 double pivot (dans le 4-2-2) différents,
- en attaque, on recense 24 compositions différentes en 35 matches (dont 18 utilisées une seule fois) !
Les fameux « 4 Fantastiques » ont joué ensemble en tout et pour tout cinq matches consécutifs entre le 15 décembre (St-Etienne) et le 26 janvier (Lille) mais aucun autre match ni avant ni après (du moins, au coup d’envoi). Et aucun en Ligue des Champions.
La comparaison avec Liverpool, l’un des clubs références du moment, est édifiante : les Reds, en 37 matches (décompte arrêté avant la reprise), n’ont mobilisé que trois charnières centrales différentes (contre 11 pour Paris) et ont joué 28 matches avec la même ligne d’attaque (là où le quatuor parisien le plus utilisé Di Maria-Neymar-Mbappé-Icardi n’a débuté que cinq matches).
La conséquence de ces blessures et de cette rotation permanente est que, d’une part, les automatismes ne se créent pas, et d’autre part, le PSG aborde les échéances importantes avec des compositions d’équipes inédites.
Pour preuve : le PSG a disputé le match aller de son huitième de finale de Champions League avec son meilleur joueur de retour de blessure et, par conséquent, dans un système de jeu jamais vu jusqu’alors, afin de l’adapter à son état de forme. Et son huitième retour sans son capitaine blessé, là aussi avec un onze de départ jamais testé auparavant dans la saison et avec une charnière Marquinhos-Kimpembe qui avait joué un seul match en commun dans la saison, un double pivot Gueye-Paredes qui jouait pour la 3ème fois ensemble et un quatuor d’attaque Di Maria-Neymar-Sarabia-Cavani qui « se découvrait ».
L’autre conséquence c’est qu’il est arrivé au PSG d’aligner des formations réellement « bancales » et qu’à force de jouer avec le feu, il a fini par se bruler, du moins en Ligue 1 : les défenses expérimentales du type Mbe Soh-Diallo-Kimpembe-Kurzawa associées à un milieu Paredes-Herrera-Bernat (défaite contre Reims) ça peut ne pas passer, même en Ligue 1.
La direction a décidé de modifier en profondeur le staff médical
Les décideurs parisiens semblent avoir pris conscience que ces blessures en cascade n’étaient pas seulement le fruit du hasard et ont « coupé » un certain nombre de tête au sein de leur staff : le docteur Aumont (adjoint au médecin responsable), Bruno Mazziotti (physiothérapeute brésilien proche de Thiago Silva notamment) et Martin Buchheit (responsable performance du club) ont quitté le club.
La préparation d’avant-saison mériterait également d’être repensée. Jusqu’à présent, son lieu était choisi pour des raisons commerciales et non sportives. La crise sanitaire pourrait là aussi permettre au PSG de revoir ses priorités. Ces changements suffiront-ils à améliorer la préparation physique et à réduire le nombre de blessures ?
Pour faciliter les automatismes, il sera en outre aussi nécessaire que Tuchel trouve assez rapidement un onze type et s’y tienne dans la mesure du possible ou puisse au moins le jauger lors des grosses rencontres de Ligue 1. La difficulté étant que, jusqu’à présent, le niveau de la Ligue 1 n’a pas constitué une opposition suffisante pour réellement préparer le PSG aux affres de la Champions League. L’autre problématique étant la nécessité de faire tourner un effectif assez pléthorique pour ménager les égos de tous les joueurs et/ou les exposer un minimum pour pouvoir les revendre à un prix correct.
En terme de recrutement, l’objectif serait de pouvoir compter sur des joueurs capables d’accepter un rôle de remplaçant, mais suffisamment performants pour ne pas faire trop baisser le niveau de jeu quand on fait appel à eux. Ces dernières saisons, peu de recrues ont eu ce profil, mis à part Sarabia. L’intégration des jeunes du centre de formation, à condition d’être au niveau comme pouvaient par exemple l’être Kouassi ou Aouchiche la saison passée, correspond là aussi, théoriquement, à ce profil type du remplaçant et peut permettre d’éviter de recruter, parfois chèrement, des joueurs de rotation très peu utilisés. Reste à voir si cette saison les jeunes Pembélé (en défense), ou Kalimuendo (en attaque) sauront être à la hauteur.
2ème explication : la Neymar dépendance
La deuxième hypothèse serait que cette impression de relative pauvreté du jeu collectif parisien la saison écoulée proviendrait de la surresponsabilisation de Neymar dans les attaques du PSG.
Loin de nous l’idée de ne pas souhaiter impliquer le meilleur joueur de l’effectif dans la construction des attaques. Mais nous allons essayer de démontrer, chiffres à l’appui, que le poids de Neymar a été trop important (sans mauvais jeu de mot) et a donc déséquilibré le jeu parisien, au détriment notamment de certains de de ses coéquipiers, Di Maria en premier lieu. Au final, sa surexposition a probablement causé plus de nuisances que de bienfaits.
Quelques chiffres tout d’abord pour étayer ce constat du poids de Neymar dans la construction du jeu parisien.
Il est en possession du ballon 104 secondes par match. C’est beaucoup ? Oui, sur l’ensemble de la Ligue 1, tous postes confondus, seul Marco Verratti a plus souvent le ballon que lui.
En regardant les noms des autres joueurs de ce classement, on prend encore plus conscience de la performance de Neymar. Sur les 20 premiers, on ne retrouve qu’un seul autre joueur à vocation offensive, à savoir Teji Savanier. Mais le Montpelliérain est plus milieu organisateur que Neymar. Plus fort encore, dans le Top 50 de ce classement des joueurs qui ont le plus souvent le ballon, on ne retrouve aucun autre attaquant ou ailier.
C’est dire l’incongruité de cette position de Neymar et de son poids dans la construction du jeu de l’équipe, compte tenu de son poste. Encore une fois, notre propos n’est pas de regretter que Neymar ait souvent le ballon mais c’est d’une part l’écart avec les autres créateurs de l’équipe (Di Maria n’est que 11ème joueur du PSG en terme de temps de possession, par exemple), et d’autre part cette impression qu’il est recherché systématiquement dans l’élaboration du jeu, parfois dans des positions très basses, qui ne nous semblent pas profitables à l’équipe.
Paris gagnerait sûrement à le chercher moins souvent mais plus haut sur le terrain, plus souvent à la conclusion des actions que dans la construction de chaque attaque ou presque. Cela rendrait les offensives moins prévisibles.
Autre data, corollaire de la précédente, illustrant l’omniprésence du Brésilien : avec près de 100 ballons joués par match (97 toutes les 90 minutes exactement), Neymar se distingue très nettement des autres offensifs de l’équipe (le second, Draxler, est à 77)
L’écart avec ses collègues du front de l’attaque est encore plus saisissant quand on compare le nombre de duels disputés.
La saison écoulée, Neymar a tourné à l’incroyable moyenne de 21 duels disputés toutes les 90 minutes. L’écart avec ses poursuivants est du simple au double puisque Di Maria, Mbappé et Choupo-Moting sont à 11. Alors, certes, le génial Brésilien affiche un taux de succès dans cet exercice très flatteur (54 %) mais la disproportion du nombre de duels disputés avec le reste de ses coéquipiers (21 contre 9 en moyenne) est extrêmement forte et le signe d’une grande dépendance aux exploits de l’ancien Blaugrana.
Les nombreuses prises de risque de Neymar ont même entraîné un changement tactique important en cours de saison : à partir de janvier, suite notamment aux difficultés défensives rencontrées face à Monaco (match nul heureux 3 partout), Tuchel a modifié son système défensif en demandant en particulier à Bernat de restreindre ses montées et de se positionner quasiment comme un troisième défenseur central. Ainsi, il a sécurisé son côté gauche avec un joueur de plus présent défensivement à la perte du ballon.
Résultat de cette surresponsabilisation de la star brésilienne, le jeu parisien a clairement penché à gauche toute la saison : 41 % des attaques s’y sont produites, contre seulement 30 % à droite. Le PSG est ainsi l’équipe de Ligue 1 avec le taux d’offensives sur le côté droit le plus bas (et de loin : deuxième Reims avec 34 %). 70 % des attaques ont donc lieu soit à gauche, soit dans l’axe.
Le dispositif en 4-4-2 et la concentration sur la même partie du terrain des deux joueurs les plus forts de l’équipe, Neymar et Mbappé, si elle a le mérite de favoriser les combinaisons entre les deux stars, a aussi parfois viré à l’abus. Sans aller jusqu’à dire que cette relation a exclu Icardi de la construction des attaques parisiennes, le graphique ci-dessous montre clairement que Neymar a beaucoup cherché son compère champion du monde et très peu l’autre avant-centre (certes plutôt situé à droite de l’attaque).
Avec près de 11 passes par match (soit 17 % des passes de Neymar), Mbappé est bien le partenaire privilégié du Brésilien. Icardi et Cavani sont très loin derrière avec 2 passes en moyenne.
Ce déséquilibre dans la construction des actions parisiennes a eu tendance à « faciliter » la tâche des défenses adverses qui ont fréquemment concentré leurs forces dans la zone de Neymar et Mbappé et ainsi gêné la fluidité du jeu parisien. Les changements d’ailes étant, en outre, rares (cf. partie 2), les défenses adverses avaient tout intérêt à masser quantité de joueurs dans la zone des stars parisiennes pour limiter leur champ d’action et essayer d’annihiler leur pouvoir de nuisance. Ceux-ci en étaient alors réduit à tenter l’exploit individuel. C’est l’histoire du serpent qui se mord la queue.
La comparaison des performances d’Angel Di Maria selon la présence ou non de Neymar illustre parfaitement ce phénomène. En l’absence du Brésilien, El Fideo s’est affirmé comme un leader technique et a pris les rênes de l’équipe. En revanche, dès le retour du numéro 10, le jeu se concentrant côté gauche, l’influence offensive de l’Argentin s’est réduite comme peau de chagrin.
Alors même qu’il a disputé un match de moins avec Neymar que sans lui, Di Maria a des stats beaucoup plus importantes quand le Brésilien n’est pas là : 8 buts et 11 passes décisives contre 2 buts et 7 passes. Les stats de tirs (3.3 sans vs 2.3 avec), de dribbles (5.1 vs 4.1), de passes clés (3.3 vs 2.4) vont également dans le même sens. L’Argentin est beaucoup plus effacé quand Neymar est sur le terrain.
Les solutions existent : impliquer davantage Di Maria et recruter un latéral droit performant offensivement
Quand on voit les performances dont est encore capable Di Maria à 32 ans, on peut considérer que c’est un peu du gâchis qu’il soit à ce point sous-utilisé dès que le duo Neymar-Mbappé est reconstitué et que le ballon a du mal à quitter la partie gauche du terrain.
Tuchel tient là une marge de progression assez évidente : pour davantage surprendre l’adversaire, il sera nécessaire aux Parisiens de davantage impliquer Di Maria dans la construction des attaques, même quand Neymar est en état de jouer. Cela ne fera que rendre l’attaque parisienne plus imprévisible.
Le bon exemple étant le match retour face à Dortmund où les deux joueurs excentrés, Neymar et Di Maria, ont eu une influence très positive sur le jeu et le résultat tout en partageant les responsabilités : l’Argentin, qui a d’ailleurs touché presque autant le ballon que Neymar (61) est à l’origine de toutes les actions dangereuses du match (dont les 2 buts) ; quand le Brésilien, qui n’a pas monopolisé le ballon (70 ballons joués “seulement”), s’est lui trouvé à la conclusion (1 but).
Néanmoins, si ce déséquilibre persiste (c’est-à-dire si Neymar continue de monopoliser le ballon), le PSG doit chercher à acquérir des compétences qui lui ont beaucoup fait défaut la saison écoulée : un piston côté droit capable d’être décisif par ses centres et ses frappes. En effet, les différences réalisées à gauche ou dans l’axe par le duo Neymar-Mbappé ont souvent créé des décalages à droite où des boulevards attendaient le plus souvent Thomas Meunier. Le hic étant que le Belge a été plutôt défaillant dans ses tentatives de centres (20 % de réussite) et très discret dans ses tirs (seulement 4 en Ligue 1). C’est un autre énorme gâchis de voir les arabesques de Neymar se terminer par un centre au troisième poteau.
Pour éviter cela, le PSG doit profiter du départ du Belge pour acquérir un latéral droit capable, comme Meunier, de dévorer les espaces qui vont immanquablement s’offrir à lui, mais, à la différence du nouveau joueur de Dortmund, être en mesure de centrer précisément, voire de frapper au but à bon escient. Comme ce n’est pas spécialement le profil de Kehrer, le PSG doit se mettre en quête d’un latéral offensif du type Atal, Cancelo ou Cuadrado.
Outre le poste de latéral droit, c’est au milieu que le PSG semble chercher à se renforcer. Nous verrons dans la seconde partie de cette preview quel profil pourrait utilement compléter l’effectif du champion de France en titre.
Article écrit par Thibaut Brossard (@Tibo19)
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Merci à CulturePSG pour l’accès aux photos.
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