On continue notre tour des clubs de Ligue 1 2020/2021 avec un article sur la saison à venir du SCO d’Angers.
Il en a été d’Angers à la fin de l’hiver comme de l’ensemble du foot français au début du printemps : son actualité s’est déplacée des terrains de jeu pour se porter sur des arrière-cuisines pas spécialement ragoûtantes.
Si l’on ne reviendra pas ici sur la mise en examen du président Chabane, le licenciement du manager général Olivier Pickeu et les affaires de moeurs du milieu offensif El Melali, force est de reconnaître que ces événements extra-sportifs ont lourdement entaché l’image du petit club sain et sans histoires que le SCO s’était construite depuis son accession en Ligue 1.
Tout cela a aussi eu des conséquences plus tangibles : l’arrivée de nouvelles têtes à la direction du club (Fabrice Favetto-Bon, directeur général et Sébastien Larcier, responsable du recrutement) marque une nouvelle étape dans l’histoire récente du SCO.
Ces changements, dont il est encore trop tôt pour dire la force ou la relativité de leur impact, s’effectuent toutefois dans une certaine forme de continuité. Ainsi le milieu de terrain Thomas Mangani, 33 ans, vient de prolonger pour deux saisons et, surtout, l’entraîneur Stéphane Moulin, plus que jamais l’homme fort du SCO côté terrain, reste à la tête de l’équipe première.
Dans un contexte troublé, plutôt favorable au conservatisme, le SCO aborde ainsi la saison qui s’annonce avec un groupe de joueurs quasi identiques à celui de la saison précédente et un entraîneur dont les principes sont connus.
Faire retour sur cette dernière saison peut donc permettre d’envisager ce que sera la suivante, qui doit inaugurer une nouvelle ère dont il est pour l’heure difficile de dire si elle sera plus heureuse que la précédente (montée en L1 en 2015, finale de Coupe de France en 2017, maintiens relativement tranquilles mais une seule saison, la première, terminée dans le Top 10).
Une animation défensive efficace
Depuis la montée en 2015, l’arbre des plus values réalisées par le SCO sur le marché des transferts cache une forêt quasi immuable. En effet, si Angers vend (souvent très bien) ses attaquants, sa défense n’a que peu changé depuis 5 ans.
Une défense plutôt âgée
Ce graphique illustrant le « profil d’équipe » du SCO permet de le visualiser en un coup d’œil : le secteur défensif est surreprésenté parmi les six trentenaires qui ont disputé, en 2019-20, le plus de minutes.
Devant Ludovic Butelle, titulaire indiscuté malgré une saison compliquée, on retrouve la charnière Thomas-Traoré et le latéral droit Vincent Manceau. Seuls Aït Nouri, puis Doumbia après la blessure de celui-ci, et Santamaria, milieu de terrain défensif, faisaient chuter la moyenne d’âge d’une défense installée depuis la montée.
Un bloc médian voire bas qui presse peu
Or, depuis 2015, l’animation défensive du SCO n’a que peu évolué : stabilité des hommes et des idées offrent au SCO une certaine « assise ». Elle a par exemple permis d’intégrer un Pavlovic aux caractéristiques proches de celle de Thomas (gaucher, grand, à l’aise dans les airs) ou encore de réintégrer Ludovic Butelle, de retour du FC Bruges en 2017.
Mais elle induit aussi un plan de jeu plus général : à la perte du ballon, le SCO n’exerce que peu de pressing sur son adversaire (moins de 20 % de son pressing s’effectue dans le dernier tiers du terrain, 4ème plus faible total derrière Metz, Dijon et Toulouse, ce qui est peu flatteur) et tend surtout à se replier sur ses bases arrières.
Alors qu’il joue 27 % de son temps dans le dernier tiers adverse, le SCO n’y exerce que 19,3 % de son pressing. Ainsi, depuis 2015, le ballet est quasi immuable : à la perte du ballon, le SCO reforme un bloc médian voire bas composé de deux lignes de quatre joueurs avec Santamaria entre celles-ci.
L’objectif, maintes fois répété par Stéphane Moulin ou par Serge Le Dizet, son adjoint, est de densifier l’axe pour amener l’adversaire sur le côté et l’obliger à centrer en hauteur, la taille de la défense centrale (1,90 pour Thomas par exemple) devant faire la différence. Si l’adversaire persiste dans l’axe, la supériorité numérique angevine doit lui assurer une relative sécurité.
Stratégie efficace au demeurant : cette saison, Angers est l’équipe qui a subi le moins de tirs par match en L1 (9,6 tirs en moyenne). La qualité des situations concédées à l’adversaire est également relativement basse : avec 1,07 expected goals contre lui en moyenne par match, le SCO est 4ème derrière Lyon, Paris et Reims. Angers est donc, de ce point de vue, l’une des meilleures défenses de Ligue 1.
Une défense friable dans son dos
Stabilité des hommes et de l’animation défensive se combinent mais ne vont pas sans poser de problèmes pour autant. Si l’on forçait le trait, on pourrait dire que le SCO ne sait défendre que d’une seule manière, à savoir en se repliant sur ses bases. En « garant le bus », diraient ses contempteurs – ou plutôt ceux qui n’ont pas su trouver la faille. Car faille il y a, comme en témoigne ces quelques extraits vidéos dans lesquels, prise dans son dos, la défense fait preuve d’une lenteur coupable :
Trois séquences lors desquelles la défense angevine, prise dans son dos, est incapable de revenir.
Il faut, sur la dernière séquence, le retour d’un milieu de terrain, Baptiste Santamaria, pour empêcher l’attaquant adverse de conclure. C’est que « grande », « solide » (pour ne pas dire « lourde »), et relativement « âgée », la défense angevine ne brille pas par ses qualités de vitesse. Elle ne s’en trouve que plus friable quand le jeu se déroule dans son dos.
L’OM de Villas-Boas en avait fait son miel lors de sa venue à Raymond-Kopa, au début de l’hiver dernier. Délaissant la possession aux Angevins (38 %, contre une possession moyenne à l’extérieur de 51,3 %) pour mieux aspirer ceux-ci dans leur moitié de terrain, les Marseillais piquaient en contre une défense sur le reculoir qu’ils savaient, on peut légitimement l’avancer, mal à l’aise dans cette situation (victoire 2-0 des visiteurs ce soir-là).
La construction de l’effectif induit ainsi presque « mécaniquement » l’animation défensive du SCO. Mais cette construction d’effectif est un choix délibéré qui ne peut pas avoir été effectué sans l’aval du coach : il suffit pour s’en convaincre de regarder le profil des défenseurs centraux recrutés par le SCO depuis la montée (Pavlovic, Cissé, Pape Djibril Diaw). Il est donc fort à parier qu’Angers poursuivra, pour la saison à venir, dans cette voie-là : bloc médian voire bas composé de deux lignes de 4, autour d’une défense à l’aise dans les airs mais pouvant être prise en défaut dans son dos.
Une animation offensive hésitante
L’architecte Stéphane Moulin a utilisé la métaphore de la maison pour décrire le jeu de son équipe : « On s’est un peu moqué de nous mais on a d’abord essayé d’être solide défensivement, de mettre en place des bases solides, les fondations, et maintenant, on commence à décorer la maison ». Quelle est donc cette décoration ? Parle-t-on d’un nouvel agencement des pièces ou simplement de l’apparition de meubles plus fancy ? Et puis, cette déco est-elle réussie ?
Un secteur offensif renouvelé
Le plus notable des changements se situe au niveau du recrutement, qui s’est progressivement détourné des seuls prospects de L2 (mais pas totalement, cf. Mathias Pereira Lage), pour se concentrer sur des joueurs davantage référencés en Ligue 1.
Bahoken, Alioui, Thioub et autres Bobichon avaient tous effectué une saison plus ou moins complète dans l’élite avant de rejoindre les bords de Maine. Les arrivées, cet été, de Bernardoni et de Doumbia, dont l’option d’achat a été levée, confirment cette tendance. Les fondations défensives n’ont donc pas bougé, comme on l’a vu, pas plus que l’agencement des pièces : ce sont surtout les meubles qui sont un peu plus beaux. Mais la plus belle pièce de la collection est manquante…
Le départ, entre la 1ère et la 2ème journée de championnat, de Jeff Reine-Adélaïde pour l’OL a tôt marqué un tournant dans la saison angevine. Capable aussi bien de conserver le ballon pour temporiser que de voir les opportunités pour jouer vite vers l’avant, il était le lien idéal entre le traditionnel bloc bas défensif du SCO et ses attaquants. Dépouillé de sa pièce de collection, Stéphane Moulin a tâtonné pour la remplacer, Pereira Lage et Fulgini se partageant le poste. Plus globalement, c’est toute l’animation offensive qui a été marquée du sceau de l’instabilité.
L’alternance, au poste de numéro 9, entre Rachid Alioui (17 titularisations) et Stéphane Bahoken (10), en est l’archétype. Si leurs Expected Goals par 90 min sont proches (0,28 et 0,26), ce ne sont pourtant pas les mêmes attaquants : l’un a tendance à beaucoup tenter (2,54 tirs par 90 minutes, contre 1,78 pour Bahoken), et notamment de loin, quand l’autre est davantage un attaquant de surface (d’où des xG/Tir supérieur pour ce dernier). De même Bahoken est plus à l’aise dans la conservation du ballon, notamment dos au but, et le jeu en remise, quand Alioui est un attaquant davantage attiré par la profondeur.
Une animation offensive hésitante
Cette instabilité au poste de numéro 9 traduit une certaine hésitation concernant l’animation offensive. Pourtant, le SCO se déploie, une fois en possession du ballon, dans un 4-3-3 quasi immuable depuis la montée.
Si le schéma est le même et que les transitions offensives restent fondamentales dans son jeu, le SCO tend également à développer un ersatz de jeu de possession.
La force du SCO : les phases de transitions
A la récupération du ballon, le SCO a tendance à se projeter rapidement vers l’avant. Le SCO est ainsi la 5ème équipe de L1 à avoir le plus recours aux passes longues. En témoignent, sur le graphique ci-dessous, les nombreuses passes longues des défenseurs centraux Thomas et Traoré vers Alioui, mais aussi, dans une moindre mesure, celles de Manceau, Aït Nouri et Santamaria.
Ce schéma préférentiel peut expliquer en partie le recrutement et les quelques titularisations d’un joueur comme Casimir Ninga, plus doué pour la course que pour les petites combinaisons. Idem avec Alioui, à l’aise dans la profondeur, tout du moins davantage qu’un Bahoken, pourtant auteur d’une bonne saison avec le SCO en 2018-19.
Un ersatz de jeu de possession
Mais le SCO ne se limite pas, offensivement, aux seules attaques rapides et tente de développer, avec plus ou moins de bonheur, des phases de possession dans le camp adverse. 27 % de ses actions se déroule ainsi dans le tiers adverse, ce qui classe le SCO à la 7ème place de L1, ex aequo avec Nantes et Strasbourg et devant des équipes comme Lyon, Rennes ou Reims.
Le graphique ci-dessus montre que, dans l’exécution de passes courtes vers Alioui dans le tiers adverse, Mangani, Fulgini, Pereira Lage se distinguent. Ce sont d’ailleurs les trois meilleurs passeurs du SCO la saison passée si l’on regarde les expected assists : 8,6 xA à eux trois en 28 matchs.
L’équipe profite probablement d’une hauteur moyenne de début de possession qui s’améliore, passant de 40,42 mètres (16ème en 2018-19) à 41,63 m (11ème la saison passée).
Mais l’heure est surtout à l’hésitation sur la marche à conduire pour marquer des buts car, malgré une défense stable, le SCO est la 5ème équipe à avoir utilisé le plus de 11 de départ différents. Se sont ainsi succédés, aux postes d’ailiers, des joueurs aux profils et aux styles de jeu très différents : Ninga, Pereira Lage, Capelle, Fulgini, Thioub, El Melali, Bobichon…
Cette instabilité signale une équipe qui tâtonne offensivement, qui bricole au gré des performances et des blessures de chacun et qui, in fine, manque d’automatismes.
La comparaison avec les saisons précédentes est, à ce sujet, éclairante : le SCO s’est beaucoup reposé sur des duos de joueurs « fiables », aptes à enchaîner les rencontres et à porter l’équipe offensivement (Diedhiou-Toko Ekambi en 2016-17, Toko Ekambi-Tait en 2017-18, Tait-Bahoken en 2018-19), duos dont on serait bien en peine, pour 2019-20, de trouver le successeur.
Stagnation dans le jeu, effondrement sur CPA
Ce manque d’automatismes et plus globalement cette hésitation pourraient éclairer la performance offensive angevine, globalement très moyenne, mais ce ne sont pas les seules explications.
Piqué dans son orgueil à force d’être critiqué, Stéphane Moulin tirait argument du grand nombre de tirs par match de son équipe pour contrer ses détracteurs. Et de fait, le SCO est une des équipes qui a le plus tiré au but : 4ème avec 13 tirs par match en moyenne, elle « rivalise » avec les gros du championnat que sont Paris (16,6), Monaco (13,6), Marseille (13,4) et Lyon (12,9).
Mais cet argument a ses limites car, si certes le Angevins frappent beaucoup, ils ne sont en revanche pas les plus adroits : avec 4 tirs cadrés par 90 min, le SCO n’est plus que 10ème de L1. Et les Expected Goals sont bien moins flatteurs encore : avec 1,07 xG en moyenne par match, le SCO, 15ème, se situe là au niveau de Dijon et de Saint-Étienne. Autrement dit, le SCO frappe beaucoup, mais depuis des positions peu avantageuses.
La sous-performance offensive peut se mesurer à l’aune des adversaires angevins (4ème de L1 en termes de tirs par match mais 15ème en termes d’xG), mais elle peut aussi être mise en perspective par rapport aux saisons passées.
De ce point de vue, en termes d’Expected Goals, l’animation offensive du SCO est revenu à ses niveaux… de 2015 ! Comme on l’a vu, le recrutement s’est étoffé et on peut raisonnablement dire que le SCO n’a jamais eu un meilleur effectif que lors de la dernière saison.
Le graphique ci-dessus montre pourtant que le SCO ne se crée pas beaucoup plus de situations avantageuses dans le jeu. Il plafonne même, avec environ 0,8 xG par 90 min créé dans le jeu, depuis sa deuxième saison en L1. Il n’y a pas d’évolution de ce point de vue, ce qui ne va pas exactement dans le sens des dires de Stéphane Moulin le décorateur.
En revanche, la grosse différence avec la saison passée en particulier et les saisons précédentes en général se situe au niveau des xG sur CPA (coups francs directs et indirects, pénalties, touches). Ceux-ci ont atteint leur plus bas niveau depuis la montée en Ligue 1 et accuse une chute de moitié par rapport à la saison précédente.
Le « mythe » du SCO efficace sur CPA, apparu, à raison, en 2015 et peut-être réactualisé en 2018-19, n’a pas de raison d’être en ce qui concerne la saison passée.
Difficile d’en expliquer la cause, à première vue. Le tireur (Mangani) comme les potentiels receveurs (Thomas, Traoré, Pavlovic…) sont toujours là. Seuls Alioui et Fulgini disputent parfois le rôle de tireur à Mangani mais il paraît hasardeux de leur imputer la responsabilité d’une telle chute. Voilà en tout cas un axe de travail important pour la prochaine saison ; peut-être le moment est-il venu de réembaucher Pascal Grosbois, le spécialiste des CPA qui avait travaillé avec le SCO lors de son retour en L1.
Perspectives
Ce retour sur la saison passée et le début du mercato angevin permettent d’envisager le futur proche du SCO.
Il y a fort à parier que stabilité en soit le maître-mot car, si le club a bouleversé son organigramme et cassé sa tirelire pour signer Bernardoni, il ne semble pas disposer à investir davantage. L’ancien portier nîmois sort pourtant d’une saison moins bonne que la précédente (cf. la fin de l’article sur Nîmes).
La ligne défensive ne devrait en revanche pas bouger (l’arrivée définitive de Doumbia, titulaire depuis la blessure d’Aït Nouri, ne servant qu’à préparer le départ de l’international Espoirs). On peut donc parier sur le fait que l’animation défensive demeurera identique, globalement imperméable mais toujours friable dans son dos.
La stabilité est de rigueur au niveau offensif aussi, aucun joueur n’ayant exprimé des envies d’ailleurs, et le staff ne semblant pas attendre de renforts. Tout le problème consistera à dégager un « 11 » un tant soit peu stable, avec un (ou mieux deux, sinon trois) attaquant(s) bien installé(s).
Stéphane Moulin dispose pour cela de quelques beaux meubles : Mangani, le distributeur (2,4 passes clés par match, meilleur total de l’équipe), a prolongé, Fulgini (6,4 « progressive passes » par 90 min) et Pereira Lage (0,47 « goal-creating actions » par match), bons créateurs, seront encore là, tandis qu’Alioui et Bahoken semblent s’accommoder de leur mise en concurrence.
Le choix des joueurs donnera un indice sur la stratégie offensive privilégiée (pour schématiser, Pereira Lage ou Ninga, créativité ou rapidité). Le seul vrai point d’interrogation concerne le remplacement de Baptiste Santamaria, promis à un départ. Meilleur récupérateur du club (2,09 tacles réussis par match) et pièce stratégique du 4-1-4-1 de Moulin, son successeur aura fort à faire.
A moins que la maison ne soit redécorée, et que le SCO entame son nouveau quinquennat avec un dispositif ornemental renouvelé : pourquoi ne pas envisager Alioui et Bahoken ensemble dans un 4-4-2, pourtant le schéma tactique préféré de Moulin ? Les premiers matchs amicaux n’indiquent pas cette tendance, bien au contraire : tout porte à croire que, sur le terrain tout du moins, le SCO s’inscrit dans la continuité.
Article écrit par @Curtix
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