Après avoir défini le temps de jeu réel d’un match de football, la suite logique est de s’intéresser au temps de possession des joueurs. C’est à dire la durée pendant laquelle ils ont le ballon dans les pieds. Une mesure qui peut servir à identifier l’influence d’un joueur ou contextualiser ses statistiques individuelles.
Méthode
Petit disclaimer avant de rentrer dans les détails de la méthode : n’ayant pas accès à des données parfaites, il se peut qu’ils y aient de légers décalages avec la réalité. Des écarts qui s’équilibrent cependant sur la masse des matchs et affectent tous les joueurs de la même manière.
Ceci étant dit, passons aux choses sérieuses. La méthode est similaire à l’article précédent, j’ai découpé chaque phase de jeu selon le joueur en possession du ballon.
On obtient alors toute une série d’informations intéressantes :
- l’événement au départ de la phase de possession (passe reçue, interception, etc),
- l’action qui termine la phase de possession (tir, dribble raté, etc),
- les coordonnées de départ et d’arrivé,
- le temps écoulé
Pour cet article, c’est le dernier point qui nous intéresse. En additionnant les durées des phases de possession d’un joueur en particulier, on obtient son temps de possession.
Part d’un joueur dans le temps de possession de son équipe
On peut, par la suite, diviser ce chiffre par le temps de possession de l’équipe quand le joueur est sur le terrain pour évaluer son influence dans le jeu de celle-ci. Ce qui permet également de comparer des joueurs avec des temps de jeu différents.
Le graphique ci-dessus présente les 20 joueurs dont “l’influence” est la plus importante. L’omniprésence des défenseurs et milieux saute rapidement aux yeux, ce qui est au final assez logique. On voit aussi que ce n’est pas seulement les équipes avec une forte possession qui sont représentées.
Homogénéité
Pour commencer, j’ai trouvé intéressant de comparer l’homogénéité de la répartition du temps de possession à l’intérieur des différents clubs. J’ai donc calculé l’écart type du temps de possession des joueurs par rapport à l’équipe.
On a un groupe d’équipes (Metz, Guingamp, Nantes, Amiens) qui présente un effectif très homogène. On peut l’interpréter de différentes manières : choix tactique, profil des joueurs, homogénéité des talents. Ça peut aussi être voulu (le danger doit venir de partout) ou subit (incapacité de donner le ballon aux meilleurs joueurs).
De l’autre côté du spectre, on retrouve les équipes de haut de tableau (et Lille). Une hétérogénéité qui me semble fortement lié au peu de temps de possession des attaquants par rapport aux défenseurs/milieux. En raison d’un circuit de jeu où les rôles sont plus clairement définis ?
Par équipe
Commençons à rentrer dans le détail des différents effectifs. On ne va pas tous les faire mais j’en ai sélectionné quelques-uns qui me paraissent intéressants.
On peut apprendre beaucoup d’une équipe selon les joueurs qui touchent le plus le ballon. A Bordeaux, les milieux ne font qu’assez peu partie de l’équation : seul Plasil apparaît dans le top 10 de l’équipe en temps de possession. Peut-être parce que c’est le seul vrai profil d’organisateur ? A Dijon, ceux sont les attaquants qui tiennent très peu le ballon : Tavares, Said et Jeannot sont les 3 joueurs ayant le moins de temps de possession.
On peut également en apprendre beaucoup sur les joueurs. Falcao et Mariano se trouvent parmi les plus faibles temps de possession, préférant sans doute se focaliser sur la finalisation des actions. A l’inverse, M’Vila et Cabella sont au cœur du collectif stéphanois, montrant bien leur impact sur la deuxième partie de saison de Saint-Etienne.
Il y a une certaine logique à ce que ce soit les milieux qui tiennent principalement le ballon pour Marseille. Notamment parce que c’est là que se trouvent les joueurs les plus techniques au contraire, par exemple, de la charnière centrale.
La surprise c’est plutôt de voir Zambo Anguissa au-dessus de Luiz Gustavo, peut-être parce qu’il a plus tendance à porter le ballon. Sanson est assez bas également.
Nice c’est un peu l’inverse de Marseille : une possession qui se concentre en défense.
Mais ça correspond bien à la philosophie de l’entraîneur, Favre ayant pour habitude de réaliser plus de passes dans le tiers défensif de son équipe que dans celui de l’adversaire. Une possession basse qu’on retrouvait déjà à Gladbach. Un choix également justifié par les profils alignés en défense centrale, Sarr ou Dante étant de bons relanceurs.
Jean Michaël Seri se distingue aussi : c’est lui qui a le plus de possessions à Nice mais elles sont généralement très courtes. Personne ne fait plus court à Nice et très peu de joueurs sont en-dessous à l’échelle de La Ligue 1.
Le profil du PSG peut s’apparenter à celui de Marseille avec les milieux au pouvoir. Mais la principale réussite du club de la capitale est d’avoir ses plus gros talents le plus longtemps en possession du ballon. C’est d’autant plus remarquable pour Neymar puisqu’il est rare d’avoir un joueur offensif aussi haut en temps de possession.
A l’inverse, et on touche peut-être à un problème du Paris actuel, Cavani n’est que très peu impliqué dans le temps de possession de son équipe. Seul Mitroglou fait pire dans le championnat de France.
Selon le poste
En gardant à l’esprit que la limite entre un poste et l’autre est parfois floue (et que certains joueurs peuvent en changer en cours de match/saison), il me parait tout de même intéressant de comparer les temps de possession selon le poste occupé.
Pas de grandes révélations à priori : les défenseurs et milieux sont les plus présents avec une distribution un peu plus resserrée pour les premiers. Il y a un peu de tout chez les attaquants mais la moyenne est plus basse. Pour les gardiens, difficile de tirer des conclusions. Zelazny et Gurtner sont vraiment à part.
Applications
On peut déjà imaginer quelques applications selon les exemples cités précédemment. Pour un coach, ça peut être de vérifier l’homogénéité de son effectif de ce domaine. Ou, au contraire, valider que ses meilleurs joueurs touchent suffisamment le ballon pour influer sur la rencontre.
Pour un recruteur, c’est avoir une idée un peu plus précise du profil d’un joueur. Mais aussi, et c’est là-dessus que l’on va finir, mettre en contexte certaines statistiques.
Par exemple, on peut s’amuser à comparer Neymar et N’Jie sur la fréquence des dribbles tentés. Si on reste sur des matchs de 90 minutes, Neymar tente un dribble toutes les 5,72 minutes et N’Jie toutes les 15,31 minutes. L’écart est net.
Par contre, si on ne prend en compte que le temps de possession de Paris et Marseille, on tombe à 3,42 et 6,94 minutes par dribble. Logique puisque, malgré la 3ème possession de Ligue 1, Marseille a nettement moins le ballon par match que Paris.
Si on raccroche le sujet du jour et que l’on regarde uniquement le temps de possession des joueurs en question, le résultat est très différent. Neymar tente alors un dribble toutes les 27,6 secondes et N’Jie toutes les 24,6 secondes.
Le but n’est évidemment pas de dire que N’Jie est un meilleur dribbleur, il y a beaucoup d’autres paramètres qui rentrent en compte, mais plutôt de mettre en avant que le contexte influe énormément sur les statistiques. Il faut également préciser que toucher beaucoup de ballons est une qualité. Ce ne sont que quelques exemples d’applications parmi tant d’autres mais cet article est déjà assez long.
Bonjour, merci pour ce très bon article.
Ou est-il possible d’acceder aux données brutes :
– l’événement au départ de la phase de possession (passe reçue, interception, etc),
– l’action qui termine la phase de possession (tir, dribble raté, etc),
– les coordonnées de départ et d’arrivé,
– le temps écoulé
Pour en faire des visualisation spatiale.
Merci. Y
Je ne commente quasi jamais, mais c’est quand même génial le boulot que tu fais !
Encore une fois, tu nous sors un article hyper intéressant sur un sujet très peu exploité et tu parviens à en sortir beaucoup d’infos très pertinentes.
J’aime également tout particulièrement que tu rappelles autant d’en fois qu’il le faut que aussi pertinentes et intéressantes soient elles, les stats ont beaucoup de limites et doivent toujours être contextualisées.
Bref, c’est très intelligent comme démarche !